"Nous avançons dans les codifications", François Biltgen au sujet des dossiers d'actualité dans le domaine de la Justice, de l'adoption, de la réforme du régime d'exécution des peines et des relations de l'État avec les cultes

Jean Rhein: Avec tous les chantiers que vous avez entamés, ne seriez-vous pas plus tranquille si vous étiez bourgmestre d'Esch ou encore seulement président du CSV?

François Biltgen: J'ai terminé trois mandats à la tête du CSV, bourgmestre d'Esch, c'était un rêve, il y a un certain de temps déjà, qui ne s'est pas réalisé, puisque j'ai suivi l'appel au gouvernement de Jean-Claude Juncker. Je ne sais pas si je l'aurais accepté s'il ne m'avait pas propose le ministère du Travail.

Jean Rhein: Aurez-vous suffisamment de temps pour finir les chantiers avant la fin de la législature (2014)?

François Biltgen: De nombreux chantiers sont sur le point de se finaliser. C'est une affaire de méthode de travail. Les consultations sont déjà engagées dans la plupart des dossiers en cours.

Jean Rhein: Parmi toutes vos attributions les dossiers concernant le ministère des Médias et des Communications semblent poser le moins de problèmes.

François Biltgen: Un important dossier a été finalisé, il s'agit de celui du contrôle des médias audiovisuels. Le chantier des services postaux n'est pas anodin non plus. La loi devra entrer en vigueur le 1er janvier prochain. En octobre/novembre, un projet de loi sera déposé sur le Fonds de soutien à la production audiovisuelle.

Jean Rhein: Venons-en au département de la Justice. Un éminent économiste, le professeur Gérard Trausch, a considéré dans sa vue d'ensemble sur l'histoire économique dans le long terme que le Code Napoléon a révolutionné durablement toutes nos structures.

François Biltgen: Le Code Napoléon a consisté en une codification du droit existant. Je ne suis pas un partisan d'une pléthore législative. J'ai réussi à présenter un ouvrage de codification, celui du droit du travail. Le Code civil a été adapté maintes fois. La codification complète la modernisation. Les quatre principaux dossiers en cours de la Justice sont la modernisation du droit de la famille, de l'exécution des peines, la réforme du droit des faillites et celle de l'organisation judiciaire. Ces quatre dossiers me tiennent à coeur, personnellement. J'estime que l'abolition de la faute comme cause du divorce est une avancée importante. Pour mieux avancer méthodologiquement, dans les travaux législatifs, il est utile de procéder par chapitres, en commençant par exemple par toutes les dispositions qui concerneraient le mariage. C'est l'idée de la codification. Ce chapitre contiendra les dispositions (non encore avisées par le Conseil d'Etat) concernant le mariage de personnes du même sexe. Les chapitres qui suivront concerneront l'autorité parentale, le divorce, l'adoption (où fait encore défaut le chapitre sur la filiation). Nous resterons dans la logique du Code civil, sans interférer avec d'autres législations. La réforme fondamentale de la législation sur le mariage contiendra une réforme partielle du droit sur l'adoption.

Jean Rhein: Quelle est actuellement votre position sur l'adoption par une personne non mariée (homosexuelle).

François Biltgen: Le projet admet, comme à l'étranger, dans ce cas, l'adoption simple.

Jean Rhein: Est-ce que vous pensez que l'opinion publique vous soutiendra dans la réforme du régime d'exécution des peines. Vous préconisez en particulier d'empêcher l'application de peines implicites à côté de la peine principale, celle de la privation de liberté.

François Biltgen: Pour les uns, la réforme va trop loin, pour les autres, elle ne va pas assez loin. Lorsque des extrêmes se mélangent, il en résulte un cocktail explosif. Je me félicite que la commission de la Chambre des députés procède prochainement à des auditions de toutes les parties intéressées. J'ai déjà réalisé des réformes à propos desquelles l'opinion publique avait des doutes quant à leur faisabilité: je mentionne la législation sur les conventions collectives et celle sur le statut unique (avec Mars Di Bartolomeo).

Jean Rhein: Vous n'êtes donc pas uniquement conservateur!

François Biltgen: Je l'ai souvent répété: je suis toujours conservateur en ce qui concerne les valeurs et les convictions qui en découlent, mais je suis réformateur en ce qui concerne l'application des principes et valeurs humanistes. L'humanisme est une valeur conservatrice et un principe que j'aimerais voir s'appliquer en prison. Je désire en particulier que ce ne soit plus le délégué à l'exécution des peines qui prenne les décisions y relatives, mais que la tâche soit confiée à des magistrats. Cette idée est fortement combattue, mais je lutterai jusqu'au bout pour sa mise en vigueur. La justice ne doit pas seulement être indépendante, elle doit aussi satisfaire aux critères de l'apparence de l'indépendance! Vous connaissez le récent débat en Belgique, où la Justice a finalement tranché. Il y aurait eu des pressions énormes si les parquets, dépendant fonctionnellement du ministre de la Justice, auraient dû prendre pareille décision. La réforme de la Constitution est dans les attributions du ministre de la Justice. Le surprenant avis du gouvernement ne tend-il pas à maintenir toutes les fonctions actuelles du chef de l'Etat. Dans la commission parlementaire s'était développée une autre vision de la fonction du Grand-Duc (limitée à la fonction représentative). L'avis du gouvernement dont les positions se retrouvent dans l'avis du Conseil d'Etat n'est pas un recul. Il vise à ancrer la fonction du Grand-Duc exclusivement dans l'Exécutif, et non plus dans le Judiciaire et dans le Législatif. A l'avenir, le jugement ne serait plus prononcé au nom du Grand-Duc, mais le jugement serait exécuté en son nom. Transférer telles quelles les prérogatives du Grand-Duc au gouvernement nécessiterait une redéfinition du gouvernement et du rôle du Premier ministre ce qui donnerait lieu à de grands débats même aux sein des partenaires de la coalition.

Jean Rhein: Le dossier sensible des prochaines semaines sera celui de relations de l'Etat avec les cultes. La mission d'experts devait-elle vous fournir la justification du modèle belge?

François Biltgen: Ce n'est pas le cas. Les experts seront présents à Luxembourg, le 3 octobre prochain pour la présentation de leur rapport à la Chambre des députés. Leur mission était de présenter des pistes de réflexion. Je compte les reconsulter une fois que le débat public ait eu lieu.

Dernière mise à jour