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Protection des lanceurs d’alerte ou whistleblowers
Contexte
En transposant la directive (UE) 2019/1937 par la loi du 16 mai 2023 portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union européenne (ci-après la « Loi du 16 mai 2023 »), le Luxembourg a instauré un régime juridique de protection contre toute forme de représailles pour les lanceurs d'alerte.
La nouvelle loi a pour objectif clé de garantir une protection efficace et équilibrée aux lanceurs d’alerte à travers des droits et obligations clairement définis, de réduire les insécurités juridiques actuelles auxquelles les « whistleblowers » sont exposés et, par conséquent, de contribuer à renforcer le respect de l’État de droit.
Chacun peut s'adresser à l'Office des signalements pour obtenir des informations générales sur l'autorité compétente selon le type de signalement visé (signalement en interne, signalement en externe ou divulgation publique).
Office des signalements
13, rue Erasme
Centre administratif Werner
L-1468 Luxembourg
Tél.: (+352) 247-88564
E-mail: ods.info@mj.etat.lu
La présente publication évoluera au fur et à mesure des situations rencontrées en la matière ainsi que des différentes interprétations et lignes directrices qui seront données par l’Office des signalements. De plus, l’interprétation de la loi reviendra in fine aux juridictions compétentes.
Qui peut lancer une alerte?
La Loi du 16 mai 2023 protège les lanceurs d’alerte travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel (relation de travail actuelle, passée ou future), y compris:
- les travailleurs (y compris les fonctionnaires et employés de l’État);
- les travailleurs indépendants ;
- les actionnaires et les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise, y compris les membres non exécutifs ainsi que les bénévoles et les stagiaires rémunérés ou non rémunérés;
- toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs.
Elle protège également :
- les facilitateurs (personne physique qui aide un lanceur d’alerte de façon confidentielle) ;
- les tiers qui sont en lien avec les lanceurs d’alerte et qui risquent de faire l’objet de représailles, tels que les collègues ou proches du lanceur d’alerte;
- les entités juridiques appartenant au lanceur d’alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il a des liens professionnels;
- les personnes qui ont signalé ou divulgué des informations sur des violations de manière anonyme, mais qui sont identifiées par la suite et font l’objet de représailles;
- les personnes qui signalent des violations auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne compétents.
Ne sont pas concernés par cette protection :
- les signalements de violations relatives à la sécurité nationale ;
- les lanceurs d’alerte dont les relations sont couvertes par :
- le secret médical;
- le secret des relations entre un avocat et son client;
- le secret professionnel auquel un notaire ou un huissier de justice sont tenus ;
- le secret des délibérations judiciaires;
- les règles en matière de procédures pénales.
Quel type de comportement peut être signalé ?
Seuls les actes ou omissions illicites qui vont à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions du droit national ou européen d’application directe peuvent faire l’objet d’un signalement ou d’une divulgation publique.
Le lanceur d’alerte peut communiquer toute information, y compris des soupçons raisonnables, concernant :
- des violations effectives ou potentielles ; et
- des tentatives de dissimulation de ces violations ;
qui se sont produites ou sont susceptibles de se produire :- dans l’organisation dans laquelle il travaille ou a travaillé ; ou
- dans une autre organisation avec laquelle il est ou a été en contact dans le cadre de son travail.
De simples dysfonctionnements ne tombent pas dans le champ d’application de la loi !
En outre, le lanceur d’alerte ne peut pas divulguer des informations qu’il a obtenues ou auxquelles il a eu accès en commettant une infraction pénale.
Quelles sont les conditions à respecter pour être protégé?
Pour être protégé contre toutes formes de représailles, le lanceur d’alerte doit :
- avoir eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et qu’elles relèvent du champ d’application de la loi ; et
- avoir effectué un signalement en interne ou en externe via les canaux prévus à cet effet, ou avoir publiquement divulgué l’information.
La protection ne s’applique pas au lanceur d’alerte qui signale des informations qui sont déjà connues dans le domaine public ou des rumeurs non fondées.
Les différents canaux de signalement et la divulgation publique
Les auteurs de signalements sont encouragés à privilégier le signalement en interne ou en externe avant de procéder à une divulgation publique.
Le signalement en interne
Le signalement en interne doit être fait par le biais d’un canal de signalement interne que les entités juridiques des secteurs privé et public d’au moins 50 travailleurs et les communes de 10.000 habitants et plus devront mettre en place.
Le signalement en externe
Le signalement externe peut être fait par le biais de l’une des autorités compétentes énumérées à l’article 18 de la Loi du 16 mai 2023 :
- La Commission de surveillance du secteur financier ;
- Le Commissariat aux assurances ;
- L’Autorité de la concurrence ;
- L’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ;
- L’Inspection du travail et des mines ;
- La Commission nationale pour la protection des données ;
- Le Centre pour l’égalité de traitement ;
- Le Médiateur dans le cadre de sa mission de contrôle externe des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté ;
- L’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher;
- L’Institut luxembourgeois de régulation;
- L’Autorité luxembourgeoise indépendante de l‘audiovisuel ;
- L’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg et l’Ordre des avocats du Barreau de Diekirch ;
- La Chambre des notaires ;
- Le Collège médical ;
- L’Administration de la nature et des forêts ;
- L’Administration de la gestion de l’eau ;
- L’Administration de la navigation aérienne ;
- Le Service national du Médiateur de la consommation ;
- L’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ;
- L’Ordre des experts-comptables ;
- L’Institut des réviseurs d’entreprises ;
- L’Administration des contributions directes.
La divulgation publique
Un lanceur d’alerte qui divulgue publiquement une violation bénéficie de la protection de la Loi du 16 mai 2023 si l’une ou l’autre des conditions suivantes est remplie:
- Il a d’abord effectué soit un signalement interne et externe mais aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement dans les 3 mois suivant le signalement ; ou
- Il a des motifs raisonnables de croire que:
- la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public (par exemple lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible) ; ou
- en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire (par exemple lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation).
Le signalement en interne au sein du MFP
Le MFP a mis en place un canal de signalement interne, mené par deux délégués aux signalements, afin que toute personne agissant de bonne foi et travaillant ou ayant travaillé auprès du ou avec le MFP ou l’une de ses entités rattachées, puisse lui rapporter de manière confidentielle et sécurisée d’éventuels violations ou manquements.
Le canal de signalement interne du MFP reçoit et assure uniquement le suivi des signalements concernant des violations ou manquements commis par ou auprès du ministère ou des entités soumises à sa tutelle.
Sont soumises à la tutelle du MFP : l’Administration des services médicaux du secteur public (« ASM »), le Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’État (« CGPO »), le Commissariat du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire (« CGID ») et l’Institut national d’administration publique (INAP).
Le MFP n’est pas compétent pour connaitre des violations ou manquements commis auprès d’autres ministères ou administrations !
Lorsque le MFP reçoit un signalement pour lequel il n’est pas compétent, les données collectées seront transmises, dans le cadre de la coopération prévue par l’article 19 de la Loi du 16 mai 2023, de manière confidentielle et sécurisée, à l’autorité compétente (ministère, administration, commission…).
Comment faire un signalement en interne au sein du MFP?
Plusieurs canaux de signalement interne, conçus, établis et gérés de manière sécurisée afin de garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, de toute personne concernée et de tout tiers mentionnée dans le signalement, ont été mis en place.
Toute personne qui souhaite signaler des violations de législation entrant dans le domaine de compétences du MFP, peut s’adresser à ses délégués aux signalements dans une des trois langues administratives (en français, luxembourgeois ou allemand) :
- par e-mail aux adresses suivantes :
- par téléphone au numéro :
- (+352) 247-83115 (M. Julien ETTER) et
- (+352) 247-73119 (Mme Michelle STEINMETZ)
- par courrier sous pli fermé mentionnant le nom du/des délégués aux signalements en tant que destinataire(s) et la mention « confidentiel ».
Le MFP n’enregistre pas les signalements par téléphone, mais le délégué aux signalements recevant l’appel est tenu de rédiger un procès-verbal précis relatant les principaux éléments de la conversation et donnera l’opportunité au lanceur d’alerte de le vérifier, rectifier et signer pour approbation.
En cas de signalement par d’autres canaux ou via d’autres membres du personnel, ces derniers sont également tenus de respecter le secret quant à l’identité du lanceur d’alerte ou de la personne concernée et transmettent le signalement au plus vite au délégué en charge du traitement. Pour rappel, tous les agents sont soumis au secret professionnel au sens de l’article 458 du code pénal et conformément à l’article 11 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État.
Procédure et suivi au sein du MFP
Les délégués aux signalements du MFP s’assurent notamment d’accuser réception du signalement dans un délai de 7 jours à compter de sa réception, sauf en cas :
- de demande contraire expresse du lanceur d’alerte; ou
- de motifs raisonnables de croire qu’accuser réception du signalement compromettrait la protection de l’identité du lanceur d’alerte.
Suite au signalement, le délégué aux signalements établit un procès-verbal précis, daté et signé tant par lui-même que par le lanceur d’alerte. Il veille à ce que son rapport soit rédigé de manière neutre afin de protéger la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte et de tiers mentionnés dans le signalement.
Les délégués aux signalements du MFP s’assurent d’un suivi diligent : Afin de vérifier l’authenticité des allégations et de préserver la confidentialité, le délégué aux signalements crée un dossier administratif qui comporte, dans la mesure du possible, des pièces et informations récoltées à partir de sources indépendantes du signalement (attestations testimoniales, etc.).
Le délégué aux signalements peut demander par écrit à l’entité visée par le signalement la communication de tous les renseignements qu’il juge nécessaires, dans le strict respect de la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte.
Endéans un délai de trois mois, le délégué aux signalements rédige un rapport final qu’il transmet au pouvoir décisionnel, à savoir au Ministre de la Fonction publique. Ce dernier détermine, sur base des recommandations formulées par le délégué aux signalements, les mesures adéquates à prendre : enquête interne supplémentaire, poursuites pénales, procédure disciplinaire, action en recouvrement, clôture de la procédure, etc.
Dans le même délai, un retour d’information doit être garanti à l’auteur du signalement. Toutefois, en raison de l’obligation légale sur le secret professionnel, le MFP n’informera pas l’auteur du signalement des mesures concrètes prises suite à son signalement, sauf si ces mesures feront l’objet d’une publication conformément aux dispositions légales applicables.
Confidentialité et traitement des données
Confidentialité
Les délégués aux signalements du MFP s’engagent à protéger l’identité du lanceur d’alerte dans les limites de la législation applicable et de ne divulguer aucune autre information à partir de laquelle l’identité du lanceur d’alerte peut être directement ou indirectement déduite. En d’autres termes, ni l’identité de la personne ayant effectué un signalement, ni celle de tierces personnes éventuellement impliquées ne seront divulguées sans le consentement exprès des personnes concernées.
Les délégués aux signalements du MFP n’utilisent pas ou ne divulguent pas les secrets d’affaires à des fins allant au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un suivi approprié.
La confidentialité quant à l’identité du lanceur d’alerte ne peut être levée que dans le cas d’une obligation nécessaire et proportionnée imposée par la loi modifiée du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias ou le droit de l’Union européenne dans le cadre d’enquêtes menées par des autorités nationales ou dans le cadre de procédures judiciaires, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée.
Dans un tel cas, les délégués aux signalements du MFP informent le lanceur d’alerte par écrit avec une explication des motifs avant que son identité ne soit divulguée, à moins qu’une telle information ne risque de compromettre les enquêtes ou les procédures judiciaires concernées.
Traitement des données à caractère personnel
Finalité du traitement
Aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par la Loi du 16 mai 2023, et plus précisément concernant le traitement des signalements, le MFP peut être amenée à traiter des données personnelles.
Tout traitement de données à caractère personnel effectué en vertu de la Loi du 16 mai 2023, y compris l’échange ou la transmission de données à caractère personnel par les autorités compétentes, est effectué conformément au règlement (UE) 2016/679, ci-après « règlement général sur la protection des données » ou « RGPD ».
Le MFP est tenu de respecter les obligations qui lui incombent en sa qualité de responsable de traitement.
Après examen, si nécessaire et sous réserve des obligations tenant à la confidentialité ci-dessus, les données personnelles ainsi obtenues peuvent être traitées dans le cadre de l’exercice des missions ou d’enquêtes relevant du champ de compétence du MFP.
Contact DPO
Pour toute question concernant les traitements de vos données à caractère personnel effectués par le MFP, vous pouvez contacter le délégué à la protection des données (DPO) du MFP par e-mail à l’adresse suivante : dpo@mfp.etat.lu ou par voie postale à l’adresse suivante :
Ministère de la Fonction publique
À l'attention du délégué à la protection des données
10, avenue John F. Kennedy
L-1855 Luxembourg
Pour le surplus, il est renvoyé au site https://mfp.gouvernement.lu/fr/support/rgpd.html
Protection contre les représailles
Interdiction de représailles
Toutes formes de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles, sont interdites à l’égard des lanceurs d’alerte en raison du signalement qu’ils ont effectué.
Sont notamment interdits et nuls de plein droit :
- la suspension d’un contrat de travail, la mise à pied, le licenciement, le non-renouvellement ou la résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou des mesures équivalentes;
- la rétrogradation ou le refus de promotion;
- le transfert de fonctions, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail;
- la suspension de la formation;
- les mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière;
- la non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le salarié pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent;
- l’évaluation de performance ou l’attestation de travail négative;
- la résiliation anticipée ou l’annulation d’un contrat pour des biens ou des services;
- l’annulation d’une licence ou d’un permis.
Sont également interdits :
- la coercition, l’intimidation, le harcèlement ou l’ostracisme;
- la discrimination, le traitement désavantageux ou injuste;
- le préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou les pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;
- la mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité;
- l’orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.
Action contre des mesures de représailles
Le lanceur d’alerte qui subit des mesures de représailles peut, dans les 15 jours qui suivent la notification des mesures, demander à la juridiction compétente de constater la nullité des mesures et d’en ordonner la cessation.
La personne qui n’a pas invoqué la nullité des mesures de représailles ou qui en a déjà obtenu la nullité peut encore exercer une action en dommages et intérêts.
Les personnes qui exercent des mesures de représailles ou intentent des procédures abusives contre les lanceurs d’alerte s’exposent à une amende de 1.250 à 25.000 euros.